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Jeudi 6 décembre 4 06 /12 /Déc 18:15

 

Cela fait des années que la sociologue Charlotte Le Van essaye de comprendre pourquoi des hommes et des femmes qui vivent en couple finissent par aller «voir ailleurs», à l'insu de leur conjoint. La réponse n’est pas si évidente. Les "infidèles" essayent toujours de rationaliser leur comportement, sans avoir forcément assez de distance pour comprendre la logique de leurs actes.

Sex-call

La notion criminelle de l’adultère a disparu mais, curieusement, les hommes et les femmes qui trompent leur conjoint se sentent bien plus coupables que s’ils étaient dans le box des accusés. Bien que les sites vantant les avantages de l’infidélité s’offrent des campagnes d’affichage outrecuidantes et que la plupart des médias encouragent l’idée que l’infidélité soit quelque chose deparfaitement naturel, voire nécessaire, les Français restent furieusement «contre».

Dans un article récemment publié dans un numéro spécial "Sexualités, normativités" de la revue Raison Présente, Charlotte le Van, sociologue à l’Université de Caen, souligne le paradoxe : alors que les Français sont de plus en plus tolérants en matière d’échangisme, de prostitution ou d’homosexualité, ils le sont de moins en moins en matière de fidélité.  «Considérée comme le premier facteur de réussite d’un couple, la fidélité est estimée comme "très importante pour contribuer au succès d’un mariage" par 84 % des personnes interrogées en France (contre 72 % en 1981).» Autrement dit, l’adultère c’est  de plus en plus mal vu. Et surtout mal vécu.

 

 

Rongé(e)s par la culpabilité, beaucoup d’hommes et de femmes se raccrochent à toutes sortes de discours pour légitimer leur acte. Si nous vivions dans une société moins normative en matière d’amour, il y aurait certainement moins besoin d’excuses. Mais voilà, l’adultère relève du tabou. On en fait tout un drame. Il faut que ça reste secret. Selon la dernière grande enquête nationale sur la sexualité des Français (Bajos, Bozon), menée en 2006, seuls 1,7 % des femmes et 3,6 % des hommes qui vivent en couple déclarent avoir eu un autre partenaire sexuel que leur conjoint(e) dans les 12 derniers mois. Impossible d’avoir les chiffres véritables bien sûr (1). L’adultère est par nature une activité illicite et le fait qu’elle reste cachée, marginalisée, conforte les gens dans l’idée qu’il s’agit d’une déviance par rapport à la norme… Si nous avions les vrais chiffres, nous nous rendrions peut-être compte que la fidélité n’existe pas ? 

Mais peu importe que la monogamie relève de l’utopie ou d’un modèle religieux antinomique avec le bonheur… Dans le contexte idéologique actuel, les couples restent profondément attachés à l’idée du contrat de confiance : «Si on s’aime, on ne se trompe pas», point barre. Les «infidèles» se sentent en faute. Il a donc fallu deux ans d’efforts à Charlotte le Van pour parvenir à réaliser 50 entretiens (2), à partir desquels établir sa nomenclature : «Il existe  un large éventail de situations au sein duquel se dessinent 4 visages distincts d’infidélité», explique-t-elle. En d’autres termes : il existe, actuellement, 4 raisons majoritairement invoquées pour justifier l’adultère. A quel profil d’adultère pensez-vous correspondre ?

1/ «Dans le premier type, l’infidélité résulte d’une insatisfaction d’ordre intime.  La thématique du «manque» revient de façon récurrente dans les discours, qu’elle soit relative à la sexualité, à la communication, à une divergence d’intérêts ou encore à l’intensité des sentiments qui s’émousse. Si les motifs de discorde sont divers et variés, tous les individus de ce type ont cherché à combler les carences ressenties dans leur relation officielle, en s’investissant, à divers degrés, dans une relation complémentaire et compensatrice. Ces «infidèles» vont en somme chercher ailleurs ce qu’ils ne trouvent pas, ou plus, dans leur vie de couple.»

Les raison invoquées sont, pêle-mêle     : «Je ne l’aime plus», «Je m’ennuie», «Nous ne faisons plus l’amour», «Il ou elle ne m’écoute pas», «Si je reste fidèle, je vais passer à côté de ma vie», etc.  
«Ce type d’«infidélité» peut prendre différentes formes. Lorsque les individus, momentanément fragilisés par leurs déboires conjugaux, nouent ponctuellement une relation extraconjugale, on a affaire à une infidélité faux-pas. Lorsqu’ils sont pleinement impliqués dans la vie du couple, notamment en raison de la présence d’enfants, mais que l’insatisfaction éprouvée devient insupportable, ils s’engagent alors plutôt dans l’infidélité compensation, une relation extraconjugale qui est susceptible de durer dans la mesure où elle contribue à pérenniser leur union principale. Quand enfin s’investir dans le couple n’est plus d’actualité et que la rupture se profile, c’est l’infidélité par désamour  qui a tendance à primer».

2/ «Dans le deuxième type, féminin à la lumière de notre corpus, l’infidélité est instrumentalisée  ; elle a pour fonction, soit de provoquer la rupture avec le partenaire principal (infidélité prétexte), soit de se venger de l’«infidélité» de ce dernier (infidélité vengeance), soit encore d’échapper à sa condition. Dans ce dernier cas, les femmes recherchent dans la relation extraconjugale un espace de liberté et de valorisation d’elles-mêmes, voire un moyen de côtoyer un milieu social plus favorisé que le leur». 
Les raisons invoquées : «J’avais besoin d’une aventure sans lendemain, pour me changer les idées. J’avais besoin que des hommes payent une chambre d’hôtel, m’offrent du champagne et me trouvent belle.» «J’ai fait en sorte de hâter la rupture, en laissant bien à l’évidence des traces de mes escapades, afin qu’il préfère me quitter et qu’il cesse de s’accrocher à moi.» «J’ai voulu lui faire comprendre ce que ça fait d’être trompé.» «Il m’avait trompé, je me suis accordée le droit de le tromper à mon tour, mais c’était juste une parenthèse.» 

3/ «Le troisième type, l’infidélité expérience, concerne quant à lui des jeunes gens qui, précocement investis dans une relation de couple exclusive, éprouvent le besoin de faire d’autres expériences pour se construire». 
Les raisons invoquées : «Nous nous sommes mis en couple trop jeunes, j’ai besoin de connaître autre chose». 

4/ «Enfin, l’infidélité comme composante ‘normale’ de la vie en couple regroupe des individus qui, bien que pleinement satisfaits de leur vie conjugale, multiplient les aventures extraconjugales, le plus souvent éphémères. Toutefois, un distinguo peut être opéré entre ceux pour lesquels la recherche compulsive de partenaires est imputée à des comportements «maladifs» (infidélité chronique), et ceux pour lesquels cette quête incessante est revendiquée au nom d’une philosophie de vie hédoniste et de la place primordiale qu’occupent la sexualité et la séduction dans la construction de soi (infidélité comme principe)».
Les raisons invoquées : «Je suis compulsif.» «Je suis hédoniste.» «Je suis anarchiste».

Lorsqu’ils-elles succombent à l’attirance qu’exerce l’inconnu(e) au regard de braise, la plupart, même ceux qui sont infidèles «par principe» se sentent obligés de justifier ce qu’ils-elles vivent comme un écart. Mais leurs explications sont-elles pertinentes ? Valides ? On ne trompe pas forcément pour les raisons que l’on invoque, et c’est pourquoi Charlotte le Van prend la précaution de nuancer les propos recueillis auprès de ses témoins… Ils sont peut-être de bonne foi lorsqu’ils affirment qu’ils ont besoin de tromper, mais on ne peut s’empêcher de penser, en lisant certains de ces témoignages, que les gens se mettent eux-mêmes dans des situations impossibles.

Leurs raisons paraissent idiotes, parce qu’elles s’inscrivent dans des logiques extrêmement conventionnelles. Un exemple ? Il y a des hommes qui trompent leur femme parce qu’elle est «la mère de leurs enfants». Sous-entendu : il faut la respecter. Lorsqu’ils épousent une femme, ils se condamnent donc eux-mêmes à devoir satisfaire ailleurs leurs fantasmes… afin de lui épargner des pratiques sexuelles jugées avilissantes. Ils ont si peur de  ternir l’image qu’ils se font de l’épouse-modèle qu’ils préfèrent mener une double-vie.

Parmi les témoignages recueillis par Charlotte le Van, celui-ci est particulièrement révélateur de la mauvaise foi de certains «infidèles» : «La femme avec qui je vis, c’est avec elle que j’ai principalement envie de faire l’amour et je trouvais ça quand même bizarre de devoir aller ailleurs pour trouver la satisfaction à mes pulsions sexuelles. Et en même temps, après, c’est le jeu hein." Le même homme affirme qu'avec sa maîtresse, «les interdits tombent parce qu’on n’a pas le même rapport à la personne. (…) Il y a ce grain de folie qui est là en permanence parce qu’on n’est pas ensemble véritablement, donc on n’a pas de blocage, on se laisse aller. On n’a pas le sentiment de manquer de respect».

Il y a donc des infidèles qui considèrent leur conjoint(e) comme un obstacle à leur épanouissement. Ils ne peuvent être enfin eux-mêmes et «se laisser aller», comme ils disent, qu’avec un(e) partenaire purement dédié(e) au sexe. Mais la peur de «souiller» l’image idéale du conjoint n’est pas la seule raison invoquée. Il y a aussi la volonté de créer une rupture dans sa vie : d’un côté le train-train, d’un autre la féérie.  D’un côté l’amour (et les pratiques «sages»), de l’autre le plaisir (et les pratiques «pas sages»)… Ce que confirme François de Singly : «La sexualité est vécue de manière plus intense, plus heureuse, parce que cette relation se situe en dehors des contraintes de la vie quotidienne. (…) Le temps passé avec l’amante est exempt de tout souci, retranché de la vie quotidienne. C’est une parenthèse, un monde à part qui existe parallèlement à une relation institutionnalisée, un ailleurs qui autorise souvent des transgressions, des jeux interdits avec le conjoint» (3). 

Pour la plupart des infidèles, l’adultère est donc un espace temporaire d’impunité, une folie que l’on s’offre et qui vient rompre la monotonie d’une vie rythmée par les courses au supermarché et les devoirs à faire avec les enfants… Cette vie-là est incompatible avec le sentiment brûlant d’urgence qui les saisit lorsqu’ils-elles se rendent en cachette chez l’amant(e)… Ce distinguo entre une sexualité officielle et une sexualité clandestine les maintient en vie, disent-ils. Elles ont besoin d’avoir à la fois un mari sur qui compter et un lover sur qui fantasmer, parce qu’«on ne peut pas fantasmer sur une personne qu’on connaît trop bien», disent-elles. 

Sans jamais émettre le moindre jugement sur la nature des raisons invoquées par ses multiples témoins, Charlotte le Van se contente de souligner que la plupart du temps, lorsque l’un d’entre eux (généralement un homme) affirme qu’il a trompé sa femme parce qu’«elle baisait mal», la vraie raison est plus profonde… L’insatisfaction sexuelle n'est très souvent que le symptôme d'un problème de communication. Les arguments qui viennent en premier («La sexualité avec X, c'était bateau. Elle suçait mal, déjà»), font souvent rapidement place à d’autres propos, plus nuancés… «J’avais pas un manque sexuel, mais un manque de reconnaissance sexuelle, ce qui n’a absolument rien à voir», raconte un homme qui a trompé sa femme parce qu’il avait l’impression de ne plus lui plaire, de ne plus la séduire.

«J’avais envie de sexualité, et surtout, j’avais envie de tendresse, j’avais envie qu’on m’aime un peu, j’avais envie de câlins», enchaîne un autre, en mal de douceur. «Pour moi, c’est quelque chose d’extérieur à la relation sexuelle qui créé une insatisfaction sexuelle, raconte un troisième. Je suis tordu peut-être, mais je fonctionne comme ça. Si j’ai un problème quelque part, je n’ai plus envie. Par exemple, j’en avais par-dessus la tête d’entendre X dire ‘je vais au coiffeur’. Alors je lui ai dit : ‘on va CHEZ le coiffeur’. Alors après, c’était : ‘Faut que j’aille au dentiste’. Et bien au bout d’un moment, moi, j’en ai marre d’une nana qui va au dentiste. Je peux plus. Alors c’est un exemple qui montre que quelque chose qui n’a rien à voir avec la relation sexuelle réagit sur la relation sexuelle, dans le sens de l’inhibition».

«Nombre d’entretiens masculins révèlent finalement que, derrière l’argument du manque ou de l’insatisfaction sexuelle, se profilent d’autres besoins et d’autres attentes, telles que la quête d’une certaine reconnaissance, d’un peu de tendresse et d’affection, conclue Charlotte Le Van. Les problèmes et les insatisfactions sexuelles au sein du couple apparaissent plutôt comme une conséquence, et non comme la cause du malaise conjugal».

Lire : Raison Présente N°183 : Sexualités, normativités. Avec au sommaire :   "Sexualité et appartenance sociale à l’âge adulte" (Nathalie Bajos, Michel Bozon), "Infidélité conjugale, genre et sexualité" (Charlotte Le Van), "Prévention du sida chez les gais dans les années 2000" (Gabriel Girard), "Hétéronormativité et hétérosocialité" (Natacha Chetcuti), "Tristes folles tropicales. Normes et homosexualité aux Philippines" (Jean-Noël Sanchez), "Constructions médiatiques du féminin-sexuel" (Stéphanie Kunert), "La répression morale et légale de la curiosité sexuelle" (Ruwen Ogien), "Les paradoxes de la pénalisation des clients de la prostitution" (Lilian Mathieu).
Raison présente est publié par les Nouvelles Éditions rationalistes

Note 1/ Aujourd’hui, un Français sur quatre a déjà été inscrit sur un site de rencontre selon un sondage IFOP pour Femme actuelle (2012). Et ces Français ne sont pas forcément célibataires comme le souligne le dossier de presse du site AshleyMadison.com (spécialisée dans les rencontres extra-conjugales… entre personnes mariées) : «On estime à 30% le nombre de personnes mariées inscrites sur des sites de rencontre. Une plateforme dédiée aux personnes mariées à la recherche d’une aventure répond donc à un véritable besoin.»
Note 2/ Sur un échantillon composé d’hommes et de femmes « infidèles » âgés de 19 à 67 ans.
Note 3/ «Avoir une vie ailleurs : l’extraconjugalité», in Libres ensemble. L’individualisme dans la vie
commune
, sous la direction de François de Singly, Paris, Nathan, 2000, pp. 195-218.

Par 1001modou-recigayxstorigay - Publié dans : info-discute
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